La naissance et les premiers signes de grandeur
Après être descendu du royaume de Tuṣita pour entrer dans la matrice de Mahāmāyā, reine du royaume des Śakya dans le nord-est de l’Inde, le futur Bouddha reprit naissance pour la dernière fois, en tant que Prince Siddhartha Gautama. La nuit de sa conception, sa mère rêva d’un éléphant blanc à six défenses. Alors qu’elle se rendait de sa résidence de Kapilavastu à la demeure de ses parents, Mahāmāyā le mit au monde sans difficultés, debout, se tenant à la branche d’un arbre dans un bosquet près de la ville de Lumbinī. Comme il était d’usage à l’époque, des sages furent convoqués pour interpréter les marques que portait le corps de l’enfant et y lire des signes de sa destinée future. Ils prédirent à sa vie deux cours possibles : s’il demeurait au palais, il deviendrait un grand roi qui ferait tourner la roue du dharma, surpassant de loin son père par l’étendue et la renommée de son royaume ; s’il quittait le palais pour devenir moine errant, il deviendrait un bouddha, celui qui atteint l’état le plus élevé, le complet et parfait éveil.
Prouesses et mariage
Suite à cette prédiction, le père du jeune prince s’employa à assurer l’avenir de son royaume. C’est ainsi qu’il entreprit de protéger son fils des expériences désagréables susceptibles d’éveiller en lui le désir de renoncer à ses devoirs princiers et qu’il se mit à le combler des plaisirs qui le lieraient à la vie de la cour. Les premières années du Prince Siddhartha furent typiques de la vie d’un jeune héritier du trône. Il reçut l’éducation qui convenait à sa caste princière, laquelle comprenait la littérature, la science politique et l’entraînement militaire. Chaque fois que ses capacités étaient mises à l’épreuve, ses prouesses étonnaient tout le monde. Par exemple, pendant une compétition de tir à l’arc, sa flèche transperça la cible de tous les autres concurrents et se planta si profondément dans le sol que de l’eau jaillit là où elle s’était fichée.
En temps voulu, Siddhartha choisit Yaśodharā comme première épouse et de nombreuses autres femmes firent plus tard partie de son harem. En bref, le futur Bouddha mena une vie de plaisirs et de privilèges, mais ne trouva de satisfaction ni dans les uns ni dans les autres.
Renoncement aux plaisirs
Poussé par la curiosité qu’il avait de la vie au-delà de l’enceinte du palais, Siddhartha saisit toutes les occasions pour s’échapper et explorer la ville. Il fut ainsi confronté, par trois fois, aux signes de la profonde souffrance qui fait partie intégrante de l’existence humaine : la maladie, la vieillesse et la mort. Il rencontra ensuite un moine errant dont la présence lui révéla une possibilité nouvelle : il se pourrait qu’existe, pour ceux qui la recherchent, une solution à la souffrance.
Une autre fois, suite à une nuit de festivités dans son harem, c’est avec encore plus de force que s’éleva en Siddhartha le désir de renoncer au monde des plaisirs futiles. Il décida de partir la nuit même. Il demanda au conducteur de son char de l’aider à s’échapper sous couvert de l’obscurité. Ils réussirent à s’enfuir sans être repérés, grâce aux dévas qui soulevèrent les sabots de son cheval pour en étouffer le bruit. Siddhartha se retourna, jeta un dernier regard à la ville de
Kapilavastu et fit le vœu de ne pas revenir avant de s’être complètement libéré du cycle des naissances et des morts. Puis, il renvoya son aurige, se coupa les cheveux sur le site du
Stoupa de la Pureté et s’embarqua pour la dernière étape de sa quête millénaire de l’éveil.
La pratique des austérités
Une tradition méditative florissait alors dans le nord de l’Inde et Siddhartha entreprit d’apprendre ce qu’il pouvait des plus grands maîtres de l’époque. Il maîtrisa rapidement les pratiques qu’ils enseignaient, mais découvrit que, même si ces techniques conduisaient à des états de félicité, elles n’apportaient pas la libération de la souffrance. Comme il était déterminé à poursuivre jusqu’à ce qu’il ait découvert le moyen d’éliminer complètement la souffrance, Siddhartha continua son chemin et s’essaya aux nombreuses pratiques ascétiques qu’on trouvait alors en Inde. Il se livra ainsi à une ascèse très stricte avec cinq compagnons qui avaient la même aspiration que lui, près de la rivière Nairañjanā, dans le centre de l’
Inde. Plus tard, le Bouddha décrivit à ses disciples sa condition physique durant cette période d’intense austérité : quand il passait la main sur son corps, les poils qui le recouvraient ne résistaient pas au contact et tombaient, car ils étaient morts à la racine ; s’il se touchait le ventre, il pouvait sentir sa colonne vertébrale et s’il se redressait pour s’étirer, il tombait immédiatement à plat ventre.
Après six années d’ascèse, Siddhartha se rendit compte que sa faiblesse physique était devenue un obstacle au progrès spirituel plutôt qu’un support. Il reconnut que de telles pratiques ne lui apporteraient pas le bonheur durable de l’éveil et décida de se remettre à manger de façon à nourrir son corps. Il recouvra rapidement ses forces, mais il perdit l’estime de ses cinq compagnons qui le méprisèrent et lui reprochèrent sa faiblesse et son goût des plaisirs.
L’éveil
Siddhartha accepta une offrande de yaourt et de miel, servie dans un bol doré par une jeune femme du nom de Sujātā, puis jeta le bol dans la rivière. Il se mit en chemin vers l’
Arbre de la Bodhi, s’assit à son pied au crépuscule et fit le vœu de ne pas se lever avant d’avoir trouvé la libération ultime de la souffrance. Triomphant facilement des armées de
Mara venues tenter de le distraire de son but ultime, il demeura fermement en méditation tout au long de la nuit. Pendant la dernière veille, avant l’aube, il comprit la vérité ultime et s’éveilla, devenant un bouddha parfaitement accompli.
La mise en mouvement de la roue du dharma
Ayant découvert pour lui-même le chemin de la libération, le Bouddha comprenait quel était aussi le chemin de la libération pour les êtres. Très vite, il se mit à œuvrer continuellement pour les sortir de la souffrance. Sept semaines après qu’il eut atteint l’éveil, Brahma s’adressa à lui pour lui demander d’enseigner. Le Bouddha partit alors à pied à
Sarnath, près de
Vārāṇasī, où ses cinq compagnons d’ascèse pratiquaient toujours. Là, il leur enseigna les Quatre Nobles Vérités, mettant en mouvement la roue du dharma qui continue de tourner sans interruption jusqu’à aujourd’hui.
Après avoir entendu le dharma du Bouddha, les cinq amis devinrent les premiers bhikṣus (moines). Les rangs de la communauté monastique grossirent rapidement au fur et à mesure que le Bouddha se rendait de lieu en lieu pour enseigner. Au cours des quatre décennies suivantes, presque tous les rois importants de l’époque lui demandèrent fréquemment conseil et offrirent un soutien entier et généreux à la sangha des premiers temps.
Le Bouddha attira un grand nombre de disciples dans les villes de
Rājagṛha,
Vaiśālī,
Vārāṇasī et
Śrāvastī. De plus, il retourna dans sa ville d’origine de
Kapilavastu où il offrit le nectar du dharma en témoignage de reconnaissance à ceux qui lui avaient donné à manger quand il était enfant. Au cours d’une de ces visites, sa mère nourricière, Mahāprajāpatī Gautamī, lui fit la requête d’établir un ordre de bhikṣuṇīs (nonnes), qui s’épanouirait plus tard dans toute l’
Inde et au-delà. De fait, le Bouddha réussit à conduire au-delà de la souffrance toute la famille qu’il avait quittée en renonçant à la vie au palais. Son fils Rāhula et sa femme Yaśodharā prirent tous deux les vœux monastiques et ils pratiquèrent jusqu’à l’obtention du fruit le plus élevé sur le chemin : l’état d’arhat, où toutes les perturbations sont déracinées à jamais.
De même le Bouddha prit soin de sa mère, Mahāmāyā, en lui enseignant le dharma. Mahāmāyā, morte peu après sa naissance à
Lumbinī, avait repris naissance dans le royaume des devas de
Tuṣita. Le Bouddha s’y rendit et il y passa trois mois, lui enseignant le dharma pour lui rendre la bonté qu’elle avait témoignée en lui donnant la vie.
Soumission des opposants et déploiement de miracles
Alors qu’il allait son chemin de villes en villages, de palais en hameaux au bord des routes, semant largement les graines du dharma, le Bouddha surmonta de nombreuses oppositions, depuis les obstacles provoqués par son propre cousin jaloux, Devadatta, jusqu’aux défis de maîtres éminents des systèmes brahmaniques, qui voyaient diminuer le soutien royal et leur prestige à mesure que le dharma du Bouddha gagnait en popularité. À
Vārāṇasī, centre éternel de l’apprentissage du sanscrit, le Bouddha, grâce à ses enseignements, fut vainqueur de six maîtres importants qui soutenaient des vues opposées. À
Śrāvastī, il accepta de se mesurer aux brahmanes dans une compétition de prodiges, car il avait conscience que seule une démonstration de ses pouvoirs miraculeux réussirait à vaincre les vues que ses opposants soutenaient fermement. Après avoir refusé l’offre de Bhikṣu Mahāmaudgalyāyana et de Bhikṣuṇī Utpalavarṇā de relever le défi à sa place, il accomplit un vaste déploiement de prodiges qui réduisit au silence tous ses contradicteurs.
Si l’on examine l’histoire des quarante-cinq ans que le Bouddha passa à enseigner après son éveil, il est clair que non seulement il donna le dharma à tous inlassablement, mais aussi il accorda soigneusement sa présentation du dharma aux aptitudes et aux mentalités de son auditoire. Ses enseignements couvrent une gamme complète depuis de simples exhortations jusqu’à l’exégèse philosophique la plus subtile, chacun étant en accord avec la capacité des auditeurs. La diversité du dharma qu’il proposait permettait aux disciples de le recevoir selon le niveau qui leur était approprié et de progresser ensuite sur le chemin de l’éveil.
Les derniers jours et les reliques
Jusqu’aux derniers instants de sa vie, le Bouddha continua à enseigner et à s’occuper avec tendresse de ceux qui l’entouraient. Alors qu’il avait déjà un âge avancé et qu’il se trouvait près de Kuśinagarī, dans le nord de l’
Inde, il accepta un repas que lui offrait un forgeron et qui lui causa une maladie grave. Quand il devint évident que ce repas serait le dernier, le Bouddha dit avec grande bonté au forgeron de ne pas éprouver de remords, lui expliquant qu’un repas qui provoque le
parinirvāṇa du Bouddha est particulièrement méritoire. Tandis qu’il approchait de son dernier souffle, un vieux mendiant du nom de Subhadra vint lui poser quelques questions sur certains points de doctrine. Ānanda, son serviteur, refusait de le laisser entrer. Mais le Bouddha lui demanda d’introduire Subhadra et déclara qu’aussi longtemps que le souffle n’aurait pas quitté son corps, il continuerait à enseigner. Subhadra fut profondément inspiré par les réponses que le Bouddha apporta à ses questions et devint le dernier bhikṣu ordonné personnellement par le Bouddha. Puis, il laissa son enveloppe mortelle, donnant ainsi à ses disciples son dernier enseignement sur l’impermanence. Le Bouddha Śākyamuni laissa des reliques qui furent partagées en huit et enchâssées dans huit grands
stoupas à travers l’
Inde.
Le Bouddha nous a légué les reliques de son corps, mais aussi l’héritage de son esprit et de son cœur : son enseignement, un nectar de vie qui, de nos jours, se transmet toujours de maître à disciple. Il est comme une source pure qui s’est écoulée vers le Nord, de l’
Inde au
Tibet, où au cours des 900 dernières années, il s’est épanché dans le courant des réincarnations du Karmapa.
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